Expropriation des immeubles indignes à titre remédiable : un nouveau levier au service de la rénovation de l'habitat dégradé
- Chloé Daguerre-Guillen
- il y a 2 jours
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La loi n° 2024-322 du 9 avril 2024, relative à l’habitat dégradé, a introduit une procédure inédite d’expropriation applicable aux immeubles présentant un état d’insalubrité ou de dégradation réversible. Ce nouveau dispositif – codifié aux articles L. 512-1 et suivants du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique – s’inscrit dans une logique préventive : intervenir avant que l’état du bâti ne justifie une démolition, en mobilisant la puissance publique à des fins de requalification urbaine.
Le décret n° 2025-419 du 12 mai 2025 portant mise en œuvre des procédures d'expropriation pour cause d'utilité publique des immeubles indignes à titre irrémédiable et à titre remédiable prévues par les articles L. 511-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique précise les modalités d'application de cette nouvelle procédure.
Cadre juridique applicable
Les modalités d’application de ce mécanisme sont précisées aux articles R. 512-1 à R. 512-3 du Code de l’expropriation. Il s’agit d’une étape opérationnelle majeure pour les collectivités et établissements publics fonciers souhaitant utiliser cette procédure comme outil de revitalisation de l’habitat.
Lorsque les critères légaux sont réunis, l’utilité publique et la cessibilité des immeubles concernés sont déclarées par arrêté préfectoral (C. expr., art. L. 512-2).
En cas de suspension temporaire du droit d’habiter, cet arrêté devra impérativement faire état des offres de relogement proposées à l’ensemble des occupants, y compris les propriétaires, dans les conditions prévues par le Code de l’urbanisme (articles L. 314-2 à L. 314-9).
Publicité et notification de l’arrêté : un régime harmonisé
Les obligations de publicité et de notification attachées à cet arrêté ont été alignées sur celles applicables aux procédures d’expropriation pour immeubles irrémédiablement insalubres (C. expr., art. R. 511-2 et R. 512-2) :
Publication au recueil des actes administratifs du département et affichage en mairie ;
Notification individuelle à toutes les parties concernées : propriétaires, titulaires de droits réels, détenteurs de parts de copropriété ou d’attribution, occupants, et exploitants dans le cas d’un immeuble d’hébergement.
À défaut d’identification ou d’adresse connue, la notification est valablement effectuée par affichage en mairie (ou en arrondissement, à Paris, Lyon, Marseille) et sur la façade du bâtiment concerné.
Une indemnisation encadrée
La procédure prévoit également l’attribution d’une indemnité provisionnelle, due aux propriétaires et aux occupants titulaires de conventions d’usage non résidentiel. Cette indemnité ne peut être inférieure à la valeur estimée par l’administration, conformément aux garanties posées par l’article L. 512-2, alinéa 3, du Code de l’expropriation. L’évaluation est assurée par les services fiscaux compétents (direction départementale ou régionale des finances publiques – art. R. 512-3).
Une procédure à fort enjeu juridique et opérationnel
Ce nouveau dispositif d’expropriation à caractère remédiable constitue un outil stratégique pour lutter contre la dégradation du parc immobilier ancien, tout en garantissant un équilibre entre intervention publique et respect des droits des occupants.
Il impose toutefois une rigueur procédurale absolue et une expertise juridique pointue, tant dans la constitution du dossier que dans la conduite des procédures contentieuses qui peuvent en découler.