Evaluation foncière par France Domaine : précisions sur les écarts entre les évaluations foncières réalisées par France Domaine et les prix du marché
- Chloé Daguerre-Guillen
- il y a 1 jour
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Dans une question écrite publiée au Journal Officiel du Sénat le 20 mars 2025, Madame Christine Herzog, sénatrice de la Moselle, a interrogé le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique sur les écarts importants entre certaines estimations de valeur foncière réalisées par France Domaine et les prix constatés sur le marché immobilier local.
Cette question met en lumière un enjeu crucial pour les collectivités territoriales et les acteurs publics : la fiabilité et la portée des évaluations domaniales, rendues par les services de la direction de l’immobilier de l’État (DIE), en amont des acquisitions, cessions ou prises à bail d’immeubles publics.
Le rôle et la nature de l’avis domanial
La réponse ministérielle, publiée le 15 mai 2025 (JO Sénat, p. 2449), rappelle que l’avis rendu par France Domaine n’est pas une simple formalité, mais un instrument de transparence financière et de protection de l’argent public, s’inscrivant dans le cadre de l’ordre public financier. En 2024, plus de 80 000 évaluations ont ainsi été réalisées, pour un volume total de près de 50 milliards d’euros.
L’avis du Domaine a une double fonction :
Préventive, en aidant à déterminer une valeur de référence avant toute négociation ;
Protectrice, en posant des bornes financières (valeur minimale en cas de vente, valeur maximale pour un achat ou un bail) dans l’intérêt de la personne publique.
Les avis conditionnent les opérations immobilières des collectivités territoriales au-delà de certains seuils, tout en restant, pour celles-ci, non contraignants juridiquement (contrairement à l’État ou aux établissements publics), sous réserve du contrôle du juge.
Pour mémoire : les seuils s'élèvent à 180 000 euros pour une acquisition, 24 000 euros annuels pour une prise à bail et au 1e euros pour une cession
Une méthodologie plurielle mais encadrée
Les services du Domaine disposent de plusieurs outils et méthodes pour estimer un bien :
Méthode par comparaison, largement dominante, à partir de bases de données internes (notamment PATRIM) et externes (actes, baux, publications foncières, sites spécialisés) ;
Méthode du compte à rebours, utilisée notamment pour les terrains à bâtir (bilan promoteur ou aménageur) ;
Recours à l’intelligence artificielle, pour consolider ou recouper certaines valeurs (depuis 2020).
Chaque méthode est choisie en fonction de la typologie du bien et du projet porté par la collectivité. La charte de l’évaluation du Domaine encadre ces pratiques.
Depuis 2023, les avis doivent être plus motivés, avec une description des éléments retenus pour justifier la valeur proposée.
Une vigilance juridique et stratégique s’impose
L’existence d’écarts significatifs entre la valeur administrative estimée par le Domaine et les prix du marché n’est pas en soi un dysfonctionnement. Elle reflète parfois la prudence des services publics, qui doivent évaluer selon une logique conservatoire et non spéculative. Pour autant, ces écarts ne sont pas sans conséquence : ils peuvent freiner des projets, dissuader des partenaires ou entraîner des contentieux.
C’est pourquoi il est essentiel pour les collectivités, établissements publics et porteurs de projets de s’entourer d’une expertise juridique et technique :
pour apprécier la valeur réelle d’un bien dans son contexte (zonage, PLU, reconversion possible, environnement concurrentiel) ;
pour négocier en toute sécurité en s’appuyant ou en s’écartant, le cas échéant, de l’avis domanial avec justification sérieuse ;
pour anticiper les éventuels contentieux liés à la valorisation ou à la qualification juridique d’une transaction.